Médine est un jeune rappeur solo, issu de la team DIN Records et membre du collectif la Boussole. 2005, n'est pas un coup d'essai pour Médine, en effet, depuis 1996, il écume les albums de la Boussole et des artistes qui la compose (Ness & Cité, Bouchées Doubles, Samb, Koto, Enarce, Aboubakr). A peine 22 ans et Médine est déjà auteur de deux albums solo et de trois albums avec la Boussole.
Le premier « 11 Septembre ou le récit du Onzième jour » n'est d'ailleurs pas passé inaperçu. Il passe maintenant à la vitesse supérieure et enchaîne directement avec un second album, et cela seulement huit mois après son premier album solo, et seulement cinq mois après la sortie de l'album de la Boussole. Il y prend d'ailleurs une place prépondérante, et sa présence donne encore plus de consistance au projet. Avec si peu de temps entre ces trois projets, il élargit le champ de ses compétences et aiguise ses armes, en ne nous laissant pas le temps de souffler. Cet enragé de l'écriture l'est à l'instar du tigre qu'il a dans la gorge. Il a choisi d'utiliser la même recette que celle employée pour « 11 Septembre », c'est-à-dire un titre d'album choc voire polémique qui, à première vue, peut faire peur mais qui ouvre le débat. Le rap n'est alors plus qu'un médium pour s'adresser aux foules, celles qui lui ressemblent mais aussi celles qui lui ressemblent moins. Son discours s'adresse bien évidement au public rap de quartier, mais a aussi en lui une dimension universelle. Il le montre d'ailleurs en incarnant dans un morceau le personnage de Petit cheval, histoire tragique d'un Indien d'Amérique témoin de l'assassinat de son peuple, ou en faisant revivre des leaders comme Massoud et Malcolm X dans le titre « Du Panshir à Harlem ».
Son but premier est de poser des questions souvent difficiles à entendre, de faire réagir, d'amener le débat. Lors de « 11 Septembre », il avait tenu à joindre un livret supplémentaire dans lequel il faisait intervenir 11 personnes anonymes ou connues (Abd Al Malik, Christophe de Ponfilly, Wallen, Tariq Abdul- Wahad, Ambre Foulquier … ) sur le thème qu'il avait choisi pour cet album. Sur ces deux projets, il amène un discours argumenté et journalistiquement construit qui a pour but de provoquer le débat par les voies de la provoc. Véritable porte-voix de toute une génération de jeunes issus de l'immigration, il bouscule l'auditeur et dénonce tous les amalgames faits sur l'Islam. Lui même musulman pratiquant, il n'est d'ailleurs jamais tendre avec sa propre communauté, ce qui renforce encore plus le poids de ces mots.
C'est dans les studios DIN Records, qui après son passage ressemblent plus à une bibliothèque qu'à un studio d'enregistrement, qu'il a concocté cet album. Il garde une indépendance et une autonomie totale même en studio, où il s'affranchit des contraintes de planning en maquettant lui-même ses morceaux, dès qu'il se sent prêt, sans attendre la présence d'un ingénieur sonore qui, de toute manière, ne pourrait pas suivre son rythme effréné. Il peut donc passer des heures à perfectionner ses intonations et ses effets et laisse ainsi donc plus de temps à Proof, producteur incontournable, pour réaliser au millimètre près les instrus nécessaires pour coller exactement aux ambiances de l'album à la manière d'une bande originale de film. Avec ce nouvel opus au titre choc « Jihad, Le plus grand combat est contre soi-même », Médine assure et assume sa place d'artiste complet et étonnant avec un phrasé hors du commun. Il torture la forme afin de la mettre enfin au service du fond. Une voix rauque et des textes pointus qui, associés, donnent la chair de poule à coup sûr. Des thématiques pleines de contenus et lourdes de sens qui, aujourd'hui, placent Médine comme l'un des meilleurs lyricistes du rap … en allant là ou tout le monde n'a pas pieds.